Traitement


La quête d’un homme

À mesure que Melain va se réapproprier son pays, il va se réapproprier son histoire, sa vie passée. Il va réduire la distance qui le sépare du Congo en retrouvant ce qui lui appartient, en se confrontant à son passé, en retrouvant sa famille et les lieux dans lesquels il a vécu.

En fuyant la guerre civile, il a subi une forme de déracinement, une violence qui s’est ressentie à la fois dans le départ mais aussi dans une prise de distance vis à vis de son pays. Elle n’est pas seulement géographique, elle est aussi mentale. Il y a dans les retrouvailles un besoin de réduire cette distance symbolique. C’est un processus qui ne passe pas par les mots. Il y a une part indicible, mystique, dans ce besoin de ne faire plus qu’un avec son environnement, d’y retrouver une pleine place, à la découverte d’une vérité spirituelle. Avec ce besoin de se ressentir enfin chez soi.

Cette envie part du besoin de dépasser les violences vécues, de dépasser la déception et le déracinement. C’est peut être une forme de réparation par rapport à la guerre civile, l’idée d’aller au-delà d’une forme d’irréversibilité de l’Histoire et des évènements, de défier la fatalité. Melain veut prouver qu’on peut faire des choses, que l’action est possible malgré les tragédies passées.
La distance qui le sépare du Congo est née d’une profonde déception. Il a été déçu par la violence, l’absurdité des conflits, puis ensuite par l’apathie des politiques, le manque d’ambition de ses compatriotes. Pour lui, tout s’imbrique mais il faut sortir de cette logique qui plonge le pays dans l’atonie.  Aujourd’hui, il se pose comme quelqu’un qui, en France, a découvert un autre mode de vie. Il revient avec tout ce qu’il a pu apprendre pendant dix ans, avec son expérience française.
Il dit que le Congo a 50 ans de retard. En France, son besoin de dépassement et son envie de faire des choses a mûri. Son énergie et son esprit d’entreprise, qui devait sûrement exister au Congo, s’est épanoui en France, avec notamment l’ouverture de sa galerie, et son métier de peintre qu’il a pu assumer pleinement en France, car il a pu vivre enfin de sa peinture. Il revient ainsi au Congo avec tout ce bagage.

Son expérience française apparaîtra au Congo. À travers la distance que l’on sentira au début, le décalage entre Melain et son environnement, entre lui et ses proches. Le film fera apparaître les divergences de point de vue et de manière de pensée, entre son entourage et lui. Comme il a pu nous le témoigner, on lui a parfois fait sentir qu’il est blanc, qu’il s’est un peu « francisé ». Lui-même sent ce décalage.
Ses potes quand il leur parle, il leur dit « oui les mecs, il faut bouger, y a pleins de choses à faire au Congo… ». Melain a une multitude de projets, il veut réussir à la fois pour lui mais aussi pour contribuer au développement de son pays. Il a cette énergie, et il dit que parfois, il se retrouve face à des gens qui n’ont pas la même énergie que lui, qui n’ont pas le même ressenti. Des gens qui sont plus pris dans leurs problèmes quotidiens … Il nous semble plus pertinent, plus fort, de faire ressentir cette distance fondamentale au Congo, car elle est le « nœud » de l’histoire que nous voulons raconter. Cette problématique, c’est au Congo qu’elle sera visible. La distance géographique est secondaire. Une fois qu’elle est franchie, tout reste encore à faire pour Melain. Avant de savoir le pourquoi, on veut faire ressentir le décalage. L’information sur l’exil viendra dans un second temps, très vite : la guerre civile, le départ, l’éloignement pendant dix ans. C’est le point de départ qui va l’amener à progressivement redonner un sens à sa vie en explorant son pays, en se réappropriant son territoire. Jusqu’où l’emmènera ce désir de renouer avec sa terre natale ? Peut-il réellement réduire cette distance entre le Congo et lui ? Et pour faire quoi ? Quel projet pourra réellement faire sens pour lui, là-bas ? Quels désirs nouveaux, dans sa vie, son désir d’engagement, sa peinture, vont émerger ?

En fait quand on écoute Melain, son idéal est de vivre dans la dualité. Pouvoir mener une vie qui puisse lui permettre de faire souvent le trajet Congo-France. Il ne veut pas choisir. Maintenant, il sent à la fois d’ici et de là bas. Même si il dit, il a dit une phrase qui nous a un peu frappé : « De toute façon, en France, faut pas se leurrer, je ne suis pas français, y aura toujours des gens pour te faire remarquer que t’es pas d’origine française ». Ca ne veut pas dire qu’il est déçu par la France, mais il ne sent pas complètement chez lui, il se sent un peu français (et surtout charentais) mais il se dit, qu’à un moment donné, ça te rattrape, tu peux pas faire l’impasse sur tes origines, tu ne peux pas nier l’importance de ton territoire d’origine. Il se sent appelé par le Congo.


La filiation

Ce besoin de s’engager, de faire des choses, Melain le partage avec son oncle maternel. Y a clairement une filiation. Ce n’est pas qu’en France qu’il l’a appris. Son éducation doit y être pour beaucoup. Qu’est-ce que les retrouvailles pourront révéler sur Melain, qu’est-ce que la rencontre avec son oncle pourront nous apprendre sur lui ? Dans quelle mesure cette énergie prend-elle sa source dans une ascendance ? Au-delà de ce qu’on l’en apprendra sur lui, la question est de savoir ce que Melain pourra apprendre sur lui-même, ce que les retrouvailles pourront révéler chez lui de plus profond.

Il y a des choses qu’il pressent déjà ici, mais qui pourront prendre une autre ampleur, comme la nécessité de prendre place dans la lignée, d’assumer un héritage pour mieux prendre conscience de la responsabilité qui est la sienne vis à vis des plus jeunes générations. Au-delà de l’importance qu’a l’oncle dans sa vie, il y a aussi l’idée de transmission, par rapport à ses neveux. Son désir d’engagement au Congo est aussi déterminé par eux. Quand il parle de ses habitations, ses galeries, y a aussi l’idée de fournir un emploi pour ses neveux, pour s’impliquer et être présent pour eux. Melain est aussi un père de famille, et même si la vie de son fils se passe surtout en France, en tant que père, cette question de la responsabilité doit lui apparaître de manière plus prégnante. D’autant plus qu’il veut aussi apprendre à son fils à parler kikongo, pour ne pas qu’on le traite de blanc là bas.

Sa mère a une place toute particulière. En fait elle n’est pas très présente physiquement mais en même temps elle est constamment présente dans sa tête. Alors que son oncle a été très présent dans son éducation, clairement dans ses choix de vie, il a été en conflit avec lui, sa mère, elle, ne l’a pas vraiment élevé. Il a avec elle un rapport qui est plus instinctif, plus physique aussi, de l’affectif pur. C’est elle qu’il appelle très souvent quand il est France. D’un côté, cette présence/absence, on la ressent dans le fait qu’elle ait conservé le passé de Melain. Elle a ses premiers tableaux, les éléments de son fils, ses carnets. Donc y a quand même quelque chose qu’elle a recueilli, c’est elle qui l’a fait venir en France. C’est elle qui a pu lui payer le voyage pour qu’il fui le Congo, qui a pris la décision avec lui… Et en même temps il disait qu’il travaillait avec elle dans les entrepôts, pour le bois. Dans le film, on la voit présente mais pas tout le temps. Peut être au début du film et juste avant le Likouala, comme pour « encadrer » le film. Une présence qui ouvrirait le film et précèderait la conclusion, le Likouala, qui est l’ailleurs, le hors champs.

Son père l’a aidé à s’installer en France, il a aussi pris son nom, par rapport au côté artistique. Son père était un chanteur très connu de Gospel et qu’il y avait une filiation artistique de ce côté là. Mais Melain nous parle jamais de son père. Y a quand même un système de construction familial matrilinéaire, en fait l’oncle maternel est plus important dans ces sociétés là. Donc pour lui l’absence du père c’est quelque chose qui n’est pas dramatique parce que culturellement c’est quelque chose qui est courant. Après il a pris son nom après coup, parce que son père lui a demandé. Son père est artiste, il s’est quand même reconnu en lui, il s’est dit qu’il y avait une forme de continuité entre ce que faisait son père et son travail de peintre aujourd’hui, donc ça devait faire sens pour lui aussi de prendre son nom


Un carnet de voyage filmique


Différentes étapes

Melain nous entraine d’étapes en étapes selon un itinéraire bien précis, de plus en plus loin dans ce qu’il nous dévoile de son histoire. Nous la remontons progressivement, du passé le plus proche, Brazzaville, pour finir dans le lieu originel de sa famille, de son clan, Matondo. Nous partons du plus récent au plus ancien, c’est une ascendance. Matondo est la dernière étape dans ce cheminement. C’est l’endroit où Melain peint le tableau de terre, c’est une étape clé avant de partir pour le Likouala, région du pays qu’il ne connait pas, qui incarne la nouveauté, l’avenir.
Brazzaville est l’introduction de l’histoire de Melain. C’est le dernier lieu où il a vécu avant de quitter Congo et de venir en France. C’est là qu’il a étudié les Beaux Arts, qu’il a vécu entre 15 et 18/20 ans. C’est là que nous apprenons qu’il vit en France et qu’il est peintre.

Melain retourne ensuite avec son meilleurs ami à Boko, sur les lieux où il a fuit les milices. Nous allons plus loin, nous comprenons que Melain n’a pas quitté son pays pour s’expatrier mais qu’il est parti en exil pour fuir la guerre.
À Kinkala, il rejoint son oncle qui va accompagner Melain jusqu’à la fin du film, jusqu’au Likouala. Ils évoqueront ensemble la période où il dessinait, son enfance, son combat pour être artiste.
A Matondo, ils parleront d’un projet d’agriculture commun. En retrouvant son oncle, Melain ira peut être plus loin dans ses questionnement autour de l’engagement qu’il peut avoir pour son pays. Il va aussi découvrir de plus en plus son environnement, le monde agricole, poser des questions sur la situation actuelle. Ainsi, il nous la fera découvrir, mais c’est d’abord pour lui qu’il questionnera son environnement. Mais Matondo, c’est surtout son village clanique, l’endroit où se situe sa terre natale, qui lui appartient. C’est le lieu auquel il pense avec nostalgie, lorsque toute sa famille s’était réunie pour fuir la guerre civile, et qu’il voudrait récréer, avec toutes ses tantes, sa mère, ses neveux, ses oncles. La transmission, la famille, toutes ces questions vont apparaître à Matondo.
Au Likouala, c’est là où il va vraiment pouvoir se recueillir et rentrer dans son intériorité. On veut faire sentir que Melain a changé, qu’il est en train de changer, qu’il a évolué en fait. Il n’y aura pas de mots, tout passera par une scène très contemplative. Cette fin, au Congo, dans ce lieu qu’il ne connaît pas, pourra faire émerger des questions. Est-ce qu’il ne va pas vouloir rester au Congo, est-ce que il doit vivre dans la dualité, est-ce qu’il doit choisir ? Qu’est-ce que ce voyage lui aura révélé sur lui-même, ses aspirations, le sens qu’il veut donner à sa vie ? 

Un road-movie

Au début les scènes de trajet sont assez courtes, il s’agit juste de trajets pour passer d’une ville à l’autre puis finalement on avance dans l’histoire, plus en profondeur, donc au fur et à mesure ces trajets sont plus longs, il devient de plus en plus important de se recueillir.
En terme d’impression, ce serait plus nerveux au début, peut être un peu plus à la surface mais plus dans l’agitation, et en même temps un peu plus sombre avec les problèmes du pays, le décalage. Melain se sent étranger, il a besoin d’un temps d’adaptation. Puis cela s’apaise et prend un ton plus positif. Un mouvement plus lent mais paradoxalement plus énergique, comme revigoré par l’exploration et la contemplation. Les trajets vont-ils nourrir l’énergie créative de Melain et son désir d’engagement.

Les souvenirs de guerre ont lieu vers le début dans le 1er tiers du film, entre Brazzaville et Boko. On apprend les choses par la parole. Au début, on sait qu’il vit en France quand il discute avec des amis. Puis dans une deuxième partie les traces de la guerre civile apparaissent, sans les mots. On a seulement quelques informations élémentaires. C’est seulement quand il va à Boko avec son ami qu’on comprend la violence de la guerre. C’est là où ils se sont réfugiés pendant la guerre de 98 au moment où les conflits étaient les plus violents. Et donc là ils vont en parler, évoquer des souvenirs.

Puis le mouvement s’apaise, on est plus dans la contemplation. Dans quelque chose de moins en moins dicible, le silence prend de plus en plus d’importance. Après le son contrasté, les bruits de la capitale, suit une phase très calme, avec un son épuré, alors qu’on en a plus appris sur la dureté des violences subies par le pays. Puis la nature prend de plus en plus de place et le silence se retire au profit d’environnements sonore de plus en plus riches. Avec l’arrivée sur l’eau avec la forêt autour, il y a un recueil et du mystique grâce à la nature. Le son envahi l’image, il est de plus en plus présent même si la foret est loin des deux côtés du fleuve. Elle appelle le personnage.
On rentre dans le road-movie, on a des plans de plus en plus larges, des panoramas… Ces cadres larges ne sont pas juste là pour montrer la beauté des lieux, ils font contre-champ au regard et aux émotions de Melain. À ce moment, la contemplation s’installe et paradoxalement, elle nourri une énergie. Une énergie qui arrive doucement mais qui le gonfle, un rythme de plus en plus lent et contrasté, dynamique. Des plans/panoramas seraient subjectifs, on voit Melain et qui regarde et ce sont des champs-contrechamps. Avec le glanage, il est dans le champ, il est à l’intérieur de ce qu’il regarde. Le glanage est une activité-clé dans le processus de réappropriation de Melain. Ce sont tous les moments où il arpente les rues, de Brazzaville à la campagne du Pool, à la recherche d’éléments qu’il pourra récupérer pour ses tableaux. Ce sont tous ces moments où il se nourri de son territoire, qui enrichit littéralement ses tableaux. Le Congo n’est pas seulement une source d’inspiration, il est utilisé dans sa matière même, de manière brute.
Le thème musical est son très boisé, mélodieux, joué par les pygmées sur un arc musical. Il  apparait à Brazzaville de manière très furtive. Il bourdonne et quand il s’arrête, quand le bruit de la ville revient, on n’est pas sûr de ce qu’on a entendu. C’est un thème qui vient à un moment de peinture et que la ville engloutit. Comme une bulle qui éclate. Et ce thème là prend au fur et à mesure plus d’importance car il vient du Likouala, il appelle. A Matondo, ce son est détourné, il remplace par exemple le cours de l’eau, le vent dans les arbres, nous voulons faire chanter l’environnement en fonction du son. Au Likouala il devient presque un son intradiégétique. Il arriverait avec le bateau avec l’eau, grâce au fleuve entouré par la forêt. Il arrive, vibrant, comme les insectes, comme les bruits de la forêt, de la nature.





 L’art c’est la liberté »

Au début du film, Melain est en retrait lorsqu’il dessine. Le spectateur ne sait pas qu’il est peintre. Melain est simplement dans un coin, un carnet de croquis et un crayon à la main.

Mais lorsqu’il visite les Beaux-Arts, le spectateur découvre comment il peignait et ses années d’études, ses dernières années au Congo avant qu’il ne vienne en France. Melain retrouve ses professeurs et nous explique que c’est aux Beaux Arts qu’il a découvert la liberté. Qu’il s’est rendu compte qu’un ailleurs était possible, qu’autre chose était possible. C’est aux Beaux Arts que Melain s’est émancipé. Avant il était sous la tutelle de son oncle, il ne pouvait pas dessiner. C’est là qu’il a commencé à s’épanouir, à s’ouvrir et que finalement il a eu besoin de quitter le Congo. Une première surface du personnage se dévoile.
Dans le film il y a trois tableaux. Il fera aussi des croquis régulièrement, nous le verrons les faire, nous pourrons les voir mais ils ne seront pas mis en valeur comme les tableaux.
Le premier arrivera assez rapidement à Brazzaville. C’est le moment où comprend qu’il est peintre. C’est un tableau très classique, une femme de dos, pas de fond, juste une couleur. Le tableau se crée sous nos yeux en pixilation, la matière et la manière de procéder sont décortiquée, le processus de création se fait couche par couche. Voir comment Melain travaille la peinture, voir Melain en temps qu’artiste sont les buts de ce premier tableau. Le voir quand il reprend, quand il revient dessus, quand il rajoute, ressentir son regard, l’importance des détails. Le tableau semble fini mais non, des petites touches se rajoutent et le tout prend une autre couleur. C’est une peinture actuelle car juste avant aux Beaux-arts, il a parlé de sa peinture actuelle et passée. C’est une peinture qui répond à une demande commerciale, dans laquelle il est devenu très figuratif et très colorée. Avant il était dans l’abstrait et la terre avait beaucoup de nuances mais pas de couleurs vives. C’est la fin de l’introduction.
Avant de quitter Brazzaville, il y a une première scène de glanage. Melain au grès des rues  ramasse des objets par terre. Il demande à un petit garçon d’aller ramasser des capsules de bouteilles. Il lui pose des questions et commence à le dessiner. Ce petit garçon s’éloigne et petit à petit il se transforme en animation. C’est un petit garçon dessiné dans un environnement réel. Il ramasse des objets, il court sur quelque chose, il court sur un vieux tank, abandonné et rouillé. Quand il revient vers Melain et le portrait que Melain fait de lui est terminé. C’est une évocation, c’est peut-être Melain qui l’a imaginé. C’est la première scène d’animation (avant c’est de la photo).
A Boko Melain pourrait rencontrer un homme dans la rue, le croquer, lui poser des questions (filmées). Et le soir reprendre ses croquis pour un tableau r peindre avec des éléments de glanage. Le début du tableau commence avec des photos comme le premier, c’est assez simple et tout d’un coup, l’histoire de cette personne revient et le tableau se libère. L’animation et l’imagination dépassent la scène du petit garçon. Le son est présent. Le tableau commence à partir en animation, il se transforme, il bouge, des choses arrivent et finalement, quand il s’arrête, c’est le tableau de Melain, achevé. Il y a eu un début de libération. Le tableau a pris vie, il s’est s’amusé, Il y a aussi l’idée d’une enquête sociale, quand Melain pose des questions, quand le tableau prend vie, il y a l’histoire de cet l’homme qui est présente en arrière plan sonore. Le tableau est habité par ces rencontres, par tout ce que Melain vit au Congo. Melain tisse une trame par ses tableaux. Les croquis, et par extension la peinture, lui permettent de se rapprocher de son pays, c’est un outil pour aller à la rencontrer des gens, pour mieux connaître son pays. Le premier tableau est un tableau de présentation, pour le deuxième, Melain a déjà passé plus de temps au Congo, il s’est peut être déjà un peu plus réapproprié son pays.
À Kinkala, Melain revient à la période où il dessinait. Il expliqué qu’il avait besoin de tout dessiner, de tout reproduire, qu’il allait jusqu’à arrêter les fourmis par terre. Il fallait qu’il dessine, dessine, dessine… Sur ses cahiers d’école. Mais il était en conflit avec son oncle. Et le jour où son oncle est venu s’excuser, d’avoir essayé de l’empêcher, d’avoir brulé ses cahiers, ce jour-là Melain s’est senti guéri. Il n’était plus malade. Melain s’est battu pour en arriver là, pour aller aux beaux arts. Il venait d’une famille aisée mais ça n’a pas été facile. Et lorsqu’il en parle avec son oncle et qu’ils évoquent pour la première fois le Likouala, nous ressentons le soulagement qu’éprouve Melain d’avoir été accepté par son oncle. Son oncle soignait les pygmées dans cette forêt et aujourd’hui Melain a envie de l’accompagner.
À matondo, il  y a l’histoire de son grand-père qui est allé vendre du poisson séché et qui a réussi à avoir de l’argent et donc à acheter ces terres et installer le clan là. Plus tard, Melain pourrait regarder un bord de route et voir un vieil homme en train de tirer sa charrette de poisson séché… L’animation pourrait faire apparaître les choses que Melain voit au Congo, les choses que seul lui voit afin de montrer comment son regard réinvesti les lieux, les transforme.
Pour le troisième tableau, à Matondo, c’est le tableau de terre. Sans animation. Car une des questions qui se posent tout au long du film est sur son rapport à l’art. Va-t-il changer, évoluer ? Est-ce qu’Melain en revenant dans son pays va revenir à son ancien style ? Ou alors est-ce qu’un nouveau style va émerger ? Nous voulons montrer ses hésitations, ses questions, « comment je fais avec cette matière que je connais, que j’ai connu, car j’ai vécu tellement de choses depuis que je peux plus faire comme avant »… C’est un moment privilégié, filmé, pris dans sa durée pour montrer ses enjeux. Avec un rythme contrasté, des moments nerveux, d’énergie, des plans serrés et d’autres beaucoup plus larges, une scène avec une vraie dramaturgie. Ca doit décoller, il y a une révélation à la clé, quel que soit la réponse de Melain. Il se passe quelque chose de fort à ce moment-là car il y a eu toute la progression du voyage derrière.
Entre Matondo et le trajet pour aller au Likouala, Melain rêve. C’est une scène avec un enfant sur un vélo qui traverse beaucoup de territoires, l’animation est folle, pleins d’éléments foisonnent... des éléments abstraits de transforment en astres…
Après le tableau de terre, qui n’est pas animé, alors que Melain remonterait le fleuve sur un ferry, il y aurait un moment de contemplation de la forêt, du fleuve, avec les bruits de la nature qui petit à petit s’accentueraient, la musique s’y mêlerait et par-dessus ce paysage des éléments abstraits du tableau de terre (si on les a) viendraient se mêler à la rivière, à la forêt, au ciel, presque calqués. Ce que Melain regarde se transforme en peinture et derrière ces éléments plus abstraits, apparait la matière, sa terre. À l’inverse du début là ce sont des couches qui s’enlèvent.
Les tableaux sont des axes, on ne peut pas dire qu’un tableau amène un nouveau lieu. Ce ne sont pas des transitions mais des éléments structurants. Avec chaque animations un nouveau pallier est atteint.